Hannah Arendt a écrit que seuls les gens bien, les « bonnes gens », ont la capacité d’avoir mauvaise conscience. Ils portent en eux des préoccupations et des exigences morales qui les amènent à s’évaluer et à mesurer l’écart entre ce qu’ils sont et ce qu’ils devraient être. Par contre, selon Arendt, les « gens vraiment mauvais » ont en général « bonne conscience ». Ils n’ont ni interrogations ni doutes sur eux-mêmes. Ils sont contents d’eux. Au lieu de les accuser, leur conscience les conforte.
L’homme politique, c’est son destin et on ne voit pas comment il y échapperait surtout à la veille d’élections, se préoccupe en priorité de l’image qu’il donne de lui-même. Il évolue sur une scène où il s’agit de jouer un rôle, d’incarner un personnage. La spiritualité ou « l’âme » de quelqu’un se forge, au contraire, dans ce qu’Arendt appelle « le dialogue silencieux de soi avec soi », qui pour un chrétien évoque ce « secret », dont parle Jésus à propos de la prière, où on se place devant Dieu.
Mauvaise conscience de l’éthique où on s’examine soi-même pour reconnaître ses défaillances et insuffisances ; bonne conscience du politique qui regarde les autres pour affirmer sa justice et se justifier devant eux. Il serait catastrophique que le souci éthique rende inapte à l’action publique ou que l’action publique étouffe le souci éthique. Mais il serait bon que la mauvaise conscience éthique vienne secouer et déranger la bonne conscience politique si assurée d’elle-même.