Les protestants aiment se prévaloir de la lumière. « Après les ténèbres, la lumière », dit fièrement la devise de la Réforme genevoise. Les protestants libéraux rappellent pour leur part que leur confession a franchi un pas décisif avec le Siècle des Lumières. C’est important à rappeler face aux obscurantismes qui ne cessent de menacer le champ religieux contemporain. Mais cela ne doit pas signifier que nous voyions toujours clair en toutes choses.
Le prêt-à-penser contemporain voudrait qu’on fasse la lumière sur tout : en politique, dans la finance, dans les relations conjugales, sur les pensées intimes des individus… Et si ce n’est pas la lumière, c’est au moins la transparence : voyez Wikileaks, dont les tenants et aboutissants ne sont d’ailleurs pas des plus limpides !
Un petit détour par l’Histoire n’est à cet égard pas des plus superflus. Antérieure aux éclairages a giorno de l’ère électrique, la devise de l’Église vaudoise d’Italie, un peu différente de celle de Genève, dit que « La lumière lui dans les ténèbres. » À l’époque où ces devises ont été forgées, la lumière était toujours entourée d’une certaine pénombre.
Nous avons certes encore et toujours besoin d’être éclairés, en particulier quant au sens de notre destinée ou sur notre relation à Dieu. Mais plus ça va, et plus nous allons avoir besoin de pénombre, de cette zone un peu ténébreuse qui nous empêche de tout voir et de tout savoir. Il y va d’un amour bien compris. Car il n’y a pas d’amour sans respect, et pas de respect sans retenue dans le regard que nous portons sur nous-mêmes, sur les autres et sur Dieu.
Sur nous-mêmes, car le secret de notre vie ne nous appartient pas, mais à Dieu seul.
Sur les autres, car notre prochain, quel qu’il soit, a plus que jamais besoin que nous respections sa pénombre et que nous défendions son droit au secret quand d’autres voudraient le violer.
Sur Dieu, car un Dieu qu’on explique n’est plus le Dieu qui apporte un peu de lumière dans nos ténèbres, mais une abstraction, une construction de notre esprit.