En cent cinquante ans, le mot « libéralisme » a complètement changé de sens. Au 19ème siècle, il désigne les mouvements qui militent pour la primauté des droits de la personne sur les droits des princes ou de la nation et qui s’opposent au sacrifice des individus aux intérêts « supérieurs » de l’État. En religion, le libéralisme considère que l’Église avec ses règles, ses rites et ses dogmes est au service des fidèles et non l’inverse. Ce libéralisme met en place des réglementations pour protéger l’indépendance de chacun.
Aujourd’hui, on appelle « libéralisme » une politique de « laisser faire » qui veut supprimer les contraintes et les contrôles qui régulent le jeu des forces économiques. Les intérêts des entreprises, leur rentabilité et leurs bénéfices, priment sur le sort des personnes qui n’est guère pris en compte et ne pèse pas lourd. C’est exactement le contraire de ce qu’originellement veut dire « libéralisme ».
Je tiens, pour ma part, au libéralisme comme défense de la liberté de chacun. Je souhaite qu’on rende à ce mot son sens originel et qu’on le réhabilite. Je crains qu’à l’employer à tort et à travers, on favorise le « totalitarisme » (la subordination du particulier à l’ensemble) dont il est initialement l’exact opposé. On peut, certes, utiliser les mots dans des sens différents ; mais les confusions et les impropriétés nuisent souvent à la pensée et à l’action. Pour y voir clair et être efficace, il n’est pas inutile de se préoccuper d’un juste langage.