C’est sur ces mots, d’une force insoupçonnée, que s’est terminé l’entretien avec Béatrice Cléro-Mazire, pasteure à l’Oratoire du Louvre, et vice-présidente du Centre d’action sociale Protestant (CASP), association bien implantée en région parisienne, actuellement présidée par Samuel Coppens et dirigée par Aurélie El Hassak Marzorati, au sujet de l’engagement du CASP auprès des personnes déplacées en provenance d’Ukraine.
Même si nous pensons connaître le CASP, il faut encore et toujours rappeler que la vocation historique de cette association est essentiellement d’héberger, mais pas n’importe comment. Héberger d’abord les familles, sans les disperser, mais aussi des personnes isolées, ayant connu la rue et, parfois, des mineurs « non accompagnés », autrement dit des mineurs qui arrivent sur le sol français, sans aucun référent. Tous ces dispositifs d’accueil dépendent des mandats que donne l’État au CASP toute l’année, selon les besoins particuliers, comme l’accueil consécutif à la guerre en Ukraine qui sévit depuis le 24 février dernier.
Dès le 3 mars, le CASP a ouvert 7 nouveaux sites et a hébergé 426 personnes en provenance d’Ukraine, dans Paris et sa proche banlieue. Le CASP a accueilli majoritairement des personnes souhaitant rester en France. L’association a cherché à lever des fonds pour faire face à ce nouvel accueil et les fonds ont afflué rapidement et en conséquence des besoins. Le 16 mars, il y a eu une veillée œcuménique de prières, à l’Oratoire du Louvre, puis le 18 mars, l’organisation d’un concert, dont les collectes ont été reversées pour aider les réfugiés. Il y a eu aussi de nombreux dons en nature. En effet, le CASP travaille en réseau avec d’autres associations, avec des enseignes commerciales. Il a pu aussi compter sur le bénévolat, particulièrement en interprétariat. Rapidement, le CASP a pensé au parrainage, avec des personnes pouvant devenir des parrains ou des marraines, qui accompagneraient, dans leurs démarches, les nouveaux arrivants, tout en les aidant à découvrir la culture française. Le CASP a également pris l’initiative de développer l’hébergement citoyen, en lien avec la FEP (Fédération d’Entraide Protestante), reconnue pour son savoir-faire dans ce domaine. Il s’agit de proposer à des familles françaises d’héberger des personnes en provenance de l’étranger, tout en restant en dialogue avec les travailleurs sociaux de l’association. Toutes ces actions se font en lien constant avec les instances gouvernementales ou municipales, selon les échelons, et selon les règles édictées par la République, en lien avec des responsables politiques. Cela nécessite une à deux réunions par semaine, soit avec la mairie de Paris, soit avec les mairies concernées pour les départements de la banlieue parisienne. Et cela est important de le souligner pour deux choses : la première, c’est de rester en règle avec la loi et la seconde, d’alerter les pouvoirs publics sur les problèmes humains particuliers que pose chaque situation d’accueil.
Accueillir des personnes réfugiées pour cause de guerre, héberger des familles, leur faire une place dans la société, alors qu’elles ont été obligées de tout quitter, n’est pas si facile que cela à mettre en place, même si le CASP a une solide expérience de ces situations. Parmi les accueillis, certains étaient déjà émigrés en Ukraine. Ils habitaient en Ukraine avec des origines différentes, en provenance d’un autre pays, pas forcément européen, avec des papiers qui n’étaient encore que des titres de séjour en Ukraine. Et cela oblige à élargir la vision du refuge, car leur statut n’avait pas été pensé en amont et sans doute beaucoup n’avaient pas prévu que ce seraient ces personnes-là qui arriveraient d’Ukraine en France ! Comment faire pour accueillir et laisser ensemble une maman ukrainienne, des enfants ukrainiens et un papa immigré ? Ils forment bien une famille, mais avec des statuts différents. Dans le dispositif actuel, l’accueil des réfugiés en provenance d’Ukraine se fait grâce à la « Protection Temporaire des Personnes Déplacées ». Évidemment, le CASP a pris la responsabilité de les protéger et de faire avancer leur dossier administratif, considérant que ces personnes ont toutes été déplacées à cause de la guerre, alors que leur situation administrative peut être différente. Le dispositif de Protection temporaire ne prévoyait pas toutes les situations. Le CASP s’engage à organiser pour tous une existence légale et vivable en France. Et c’est vraiment le point fort du CASP en ce sens qu’il héberge, oui, mais dans le but que les réfugiés vivent dignement et librement, dans des structures confortables, en réglant pour eux et avec eux les aspects juridiques et légaux de leur résidence sur le sol français.
Béatrice Cléro-Mazire termine son propos : « Aider, c’est regarder une situation singulière. On aide des hommes, des femmes, des enfants qui ont fui leur pays d’origine, à cause de la guerre, que ce soit en Ukraine ou ailleurs. Ils arrivent en France avec chacun leur histoire. La qualité de l’aide va faire appel à notre qualité de discernement. Il n’y a pas de “prêt à aider”, il n’y a que du sur-mesure. Aider l’autre c’est l’aider à rester libre ». L’intégralité de cet entretien est disponible sur notre site internet.
Béatrice Cléro-Mazire et Agnès Adeline
L’intégralité de cet entretien est disponible sur notre site internet.