Ce mot appartient au jargon des spécialistes de la théologie ancienne et médiévale. Il vient d’un verbe grec qui signifie : « nier ». Est apophatique (ou, ce qui revient au même, « négative ») une théologie qui nie qu’on puisse savoir et dire quelque chose de Dieu, ce qui peut paraître contradictoire. La théologie est, en effet, un discours savant (un logos) sur Dieu (theos). Quand on estime qu’on ne peut ni en parler ni le connaître, on sort de la théologie pour entrer dans l’agnosticisme.
En fait, le paradoxe est moindre qu’on pourrait le croire. En effet, la théologie apophatique ne se tait pas, elle ne reste pas silencieuse ; elle discourt sur Dieu pour établir qu’il échappe à nos mots et à nos concepts. Il n’est jamais ce que nous en disons et pensons ; il est ineffable (ou indicible) et inconcevable. « Dieu n’est ni ceci ni cela » écrit Maître Eckhart (1260-1328). Nos paroles, nos idées sont toujours en porte-à-faux : elles n’arrivent pas à le décrire ni même à le désigner.
Plus précisément, pour l’apophatisme nous avons bien une connaissance de Dieu. Toutefois notre connaissance est négative : nous savons ce que Dieu n’est pas, mais nous ignorons ce qu’il est. Ainsi quand on le qualifie d’« éternel », on entend par là qu’il n’est pas soumis au temps ; lorsqu’on le dit « transcendant », on indique ainsi qu’il n’appartient pas à notre monde. Nous déclarons que Dieu n’est pas un être temporel et ordinaire, ce qui est juste ; mais ce que sont l’éternité et la transcendance, nous n’en avons pas la moindre idée.
L’apophatisme a une part de vérité ; il est une réaction salutaire contre la prétention dogmatique d’une connaissance parfaite et complète de Dieu. Nos théologies ont toujours des déficiences et des manques. Si l’apophatisme est une composante essentielle de la foi en un Dieu qui nous dépasse, il a aussi ses faiblesses et ses limites : le message évangélique dit de Dieu qu’il est amour et qu’on perçoit quelque chose de lui à travers Jésus le Christ, ce qui est très positif.