Tout le monde le condamne. N’est-ce pas exagéré ? Il comporte, certes, un danger évident : celui de la juxtaposition dans un même pays de groupes vivant en vase clos, coupés les uns des autres, refusant les règles et les lois de l’ensemble. Mais avons-nous conscience du danger inverse, tout aussi menaçant, d’une société totalitaire et uniforme ? Quand Louis XIV révoque l’Édit de Nantes, il agit en adversaire résolu du communautarisme ; il n’admet pas que certains de ses sujets forment une communauté religieuse particulière.
Les penseurs communautariens plaident pour le maintien des diversités à l’intérieur d’un cadre commun. À des gens qui ont une histoire, des traditions et des sensibilités différentes, faut-il imposer un nivellement universaliste qui réprime et supprime leurs caractéristiques propres ? Ou, au contraire, doit-on les laisser parler leur langue, vivre selon leurs coutumes et entretenir leur culture ? Les universalistes pensent que cette seconde option risque de fractionner la société et de susciter des tensions en établissant des disparités et des inégalités. Les communautariens estiment que, loin d’entraîner des affrontements, elle favorise ententes et dialogues ; quand on se sent reconnu, on communique et on échange mieux.
Vivre ensemble ne signifie pas vivre à côté de l’autre, sans relation avec lui, mais pas non plus vivre seulement avec des semblables, et pour cela rendre tout le monde pareil. Il nous faut chercher des « accommodements raisonnables » (comme disent les québécois) pour faire droit au pluriel sans briser le général ; autrement dit sachons combiner communautarisme et universalisme en évitant les dérives et excès qui guettent d’un côté comme de l’autre.