Le mot « kérygme » (kêrugma en grec) n’appartient pas en propre à la théologie. C’est un nom commun qui n’a pas attendu les auteurs du Nouveau Testament (NT) pour faire sens. Il signifie « proclamation » et désigne très concrètement l’annonce d’une nouvelle, faite à haute voix par un crieur public. Nos auteurs l’ont utilisé pour nommer le fait d’annoncer la bonne nouvelle (littéralement « l’évangile »). Retenons déjà de ses origines profanes quatre éléments caractéristiques du kérygme : il est l’annonce de quelque chose à venir, il suppose une instance supérieure, il comprend une dimension publique et il passe par un porte-parole qui n’en a pas la maîtrise.
Le mot se technicise et désigne par métonymie non plus seulement l’annonce mais son contenu. Le kérygme est l’expression de la foi chrétienne dont il énonce l’essentiel. En différents lieux du NT, émergent ainsi des formules dites « kérygmatiques » dont la mort et la résurrection du Christ constituent le noyau dur. Ainsi les apôtres, véritables hérauts de l’Évangile, rendent compte de manière condensée de leur foi en Jésus reconnu Christ (par ex. Pierre en Ac 2,14-41 ; 10,34-43 ou Paul en Rm 4,25 et 1Co 15,3-7).
Mais le kérygme n’est pas un message. Il est une proclamation, apte à témoigner à qui il est donné de l’entendre, de l’intervention décisive de Dieu dans le monde à travers l’événement de la venue de Jésus Christ. Les évangélistes l’ont compris, eux qui ne donnent aucun contenu au mot : ce n’est pas un catéchisme mais le mouvement même de Dieu vers l’être humain. C’est une parole rendue vivante qui lie ensemble l’instance supérieure qui l’initie, l’événement Christ qui l’incarne et l’individu qui l’accueille. Si le mot « kérygme » est devenu gros, c’est d’avoir été gavé de théories cherchant à contenir la parole qui inlassablement leur échappe. La liberté de l’Évangile, voilà ce que signifie « kérygme »