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La Parole de Dieu renonce à toute coercition

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Elisabeth Parmentier

L’affirmation chrétienne qu’une parole humaine peut être porteuse de la « parole de Dieu » est inquiétante au premier abord. Une telle conviction risque de créer des drames, dès lors qu’elle se ferait parole autoritaire et totalisatrice, sous prétexte d’être « inspirée ». En fait, aucune parole au service de la parole de Dieu ne peut s’imposer, sous peine de perdre son âme. La condition d’oser transmettre la parole de Dieu dans la suivance de Jésus de Nazareth est même l’acceptation que cette transmission ne peut être qu’un medium faible… et même une parole qui exprime d’autant plus sa puissance qu’elle ose traverser et assumer la faiblesse de la condition humaine. La conviction ici renonce à toute coercition.

Une parole dans la suivance de Jésus Christ n’est pas tirée des préférences personnelles mais tente de se faire l’écho d’une lecture biblique soigneuse et fidèle à l’esprit des textes, qui offrent les garde-fous évitant au christianisme des fantaisies et des errances. Les textes bibliques forment l’école de langage de la foi, comme une langue maternelle apprise non par la grammaire mais par la familiarité, capable de créer de nombreuses paroles possibles à partir de cette matrice. C’est la tâche d’une théologie de type critique, quoique confessante, que de les faire valoir et d’initier à la compétence de l’interprétation.

L’interprétation chrétienne se joue dans la mise en relation entre la Bible et ses expériences spécifiques, la théologie et ses affirmations sur la foi, l’expérience de foi individuelle et communautaire, et les réalités concrètes de la vie. Les liens entre ces pôles, comme un tissage de fils très divers, ouvrent à la quête du sens.

Ce tissage du sens qui peut paraître imprévisible est pourtant un artisanat, qui suit une trame historique, et qui peut à partir de là remettre toujours ses esquisses sur le métier. Un travail bordé mais créatif, et quasiment sur mesure pour des destinataires et des contextes, est sous-jacent à ce soin renouvelé non seulement à des langages d’analyse de réalités historiques et sociales, mais aussi à des « paroles » de transmission chrétienne. Sous ses multiples essais, la transmission chrétienne, soucieuse d’humanité, cherche finalement à répondre à la question ultime : vaut-il la peine de vivre et quelle trace voulons-nous emprunter (et laisser) ? Quel sera le sens à trouver pour vivre, et quelle est l’espérance ?

Paroles au pluriel, sous diverses formes : musique, art, discours, silence… Le terme d’artisanat dit le caractère unique, loin du prêt-à-porter, d’une parole adressée, à des destinataires dans leur altérité spécifique, et qui demeurent dans la liberté de réception.

Or l’interdit d’image du judaïsme qui empêche la main mise sur le divin même dans l’imaginaire, libère de l’idolâtrie du texte. Le passage de Dieu reconnu par les rédacteurs bibliques ne fait pas lever de manière idyllique la lumière sur les obscurités humaines ou sur la création en proie aux douleurs de l’enfantement. La vie annoncée comme éternelle passe encore par la mort. La parole de Dieu demeure donc à discerner, au risque de l’interprétation, et à l’image de Jésus-Christ, elle ne craint pas d’être mise à l’épreuve par la parole humaine. C’est précisément ce respect devant la liberté humaine, appelée à reconnaître autorité aux affirmations croyantes, qui est une marque impressionnante de sa fiabilité.

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Elisabeth Parmentier
enseigne la théologie pratique. Elle est actuellement doyenne de la faculté de théologie de l’Université de Genève.
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