En déclarant que « c’est la rue qui a abattu les nazis », Jean-Luc Mélenchon a soulevé de vives réactions ; on l’a accusé d’assimiler le gouvernement actuel au nazisme. Cette polémique, à mon sens un peu ridicule, a détourné l’attention de ce qu’il y a de faux dans ce propos du leader des insoumis.
Les nazis ont été abattus non par la rue, par des manifestations citoyennes, par des soulèvements populaires ou par des foules qu’auraient mobilisées des discours percutants. Ils ont été abattus par les armées russes et américaines, plus précisément par leurs avions, leurs navires de guerres, leurs tanks et leurs canons. Je n’entends nullement diminuer la valeur de la Résistance, mais elle n’aurait pas pu grand chose sans l’action militaire des alliés. Paris, n’en déplaise au Général de Gaulle, ne s’est pas libéré tout seul ; s’il a pu contribuer, heureusement et courageusement, à chasser les occupants, c’est parce que leur puissance avait été ébranlée et était en train de se briser sur les champs de batailles.
De plus, rappelons que les nazis ont accédé au pouvoir précisément par la rue. Ils ont multiplié des manifestations, des défilés, des meetings et diverses actions spectaculaires. Ils ont su ainsi impressionner les foules, conquérir des adhésions, remporter des élections et fonder leur dictature. Il arrive que la rue abatte des tyrannies, Jean-Luc Mélenchon a raison de le souligner, mais il arrive aussi qu’elle en instaure. Il serait dangereux d’occulter et d’oublier cette ambiguïté foncière.