Dans ce livre très original et souvent déconcertant, Alain Houziaux propose et développe une théorie du dogme inspirée des analyses de George A. Lindbeck (La nature des doctrines, Paris, Van Dieren). La dogmatique serait une construction linguistico-culturelle ou un idiome auto-référant, dont les propositions ont une validité intrinsèque à leur « jeu de langage », mais sans fondements ni vérifications extrinsèques possibles et sans portée existentielle. Il part d’une question radicale (« pourquoi les croyants adhèrent-ils à des doctrines aussi bizarres ? ») ; il aboutit à ce qu’on pourrait considérer comme une sorte de justification paradoxale du conformisme doctrinal, en ce sens qu’il est normal et naturel qu’en adhérant à une religion, le croyant veuille loyalement en « jouer le jeu », aussi absurde soit-il, par besoin de confort, de cohérence et de communauté. Alain Houziaux prend ainsi tout le monde, libéraux comme orthodoxes, à contre-pied, ce qu’il aime bien. À côté d’analyses éclairantes (ainsi sur les différents types de vérité ou sur ce que signifie adhérer à un credo), d’autres pages m’ont laissé plutôt perplexe. En fin de parcours, Alain Houziaux reconnaît qu’il reste de l’énigmatique ; il a raison et, à mon sens, aucune « théorie », qu’elle soit linguistique, psychanalytique ou sociologique, ne peut rendre entièrement compte des phénomènes religieux, même si toutes, y compris celle qu’il nous propose, en éclairent bien un aspect.