Peu banal, le parcours du pédagogue et théologien Matthias Preiswerk. Né à Lutry, aux portes de Lausanne, il a passé sur les bords du Léman une jeunesse marquée par ses études de théologie, mais aussi et presque par sa participation d’abord à une vie paroissiale protestante, puis à plusieurs mouvements qui ont animé la vie politique et religieuse lausannoise dans la foulée de 1968. Il est ensuite parti pour l’Amérique latine où il a rapidement pris racine (il vit à La Paz, en Bolivie) et où il a déployé depuis plus de quarante ans une activité soutenue dans le domaine de la formation théologique et pédagogique.
Ce livre est riche de souvenirs remontant à la période lausannoise de l’auteur, non dans l’intention un peu narcissique d’une autobiographie, mais dans le souci de tirer la leçon, si possible, de ce qu’il a vécu à l’époque, en particulier dans le domaine de la vie associative. On peut comme moi ne pas souscrire à toutes ses appréciations de ce qui s’est passé à l’époque (j’ai vu sous un autre angle certains faits ou certains personnages clefs de ses réminiscences). Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans les conséquences qu’il en a tirées à longue échéance pendant son activité en Amérique latine.
Sur 310 pages, 80 seulement sont réservées à cette période américaine. C’est dommage, parce qu’elles sont les plus intéressantes et les plus riches d’enseignements. Un passage de sa conclusion retient particulièrement mon attention : « Ce qui m’a toujours passionné dans la théologie est lié d’abord à ses acteurs (qui fait de la théologie), au contexte dans lequel elle se développe (où et à partir de quels intérêts et de quelle situation), à ses finalités (en vue de quoi) et à ses méthodes (comment). Toutes ces questions sont inséparables de l’objet même de la théologie. » Ce n’est pas toute la théologie, mais ce sont des questions à se poser. Matthias Preiswerk, justement, sait le faire et, fort pertinemment, nous les pose.