Plateforme du protestantisme de liberté et de progrès

Progressiste, vous avez dit «progressiste» ?

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Sylvie Queval

L’UPLP est née et le sigle sonne bien. Mais ce n’est pas seulement pour l’euphonie qu’un P a été ajouté en quatrième position. Cette union protestante libérale (UPL) est aussi Progressiste. Qu’est-ce que cet adjectif ajoute ? Peut-on être protestant libéral sans être progressiste ? Ou même peut-on être protestant, en France au XXIe siècle, sans être progressiste ?

Il vaut la peine de s’arrêter un instant sur ce qualificatif si galvaudé.

Ce n’est pas le lieu d’en faire l’histoire, rappelons seule- ment qu’apparu à la fin du XIXe siècle, il connut une mise en soupçon dans les années 70. En effet, si le progressiste veut le progrès, qui garantira que les incontestables progrès scientifiques et tech- niques soient porteurs d’avancées sur la voie du bonheur, de la fraternité, de l’entente entre les hommes ?
Après tout, une maladie aussi peut progresser et on dit que« l’ennemi progresse ». En soi, les mots « progrès » et « progresser » ne sont pas sous des signes positifs, ils signifient seulement « avancer vers une fin » et le progrès ne vaut que ce que vaut sa fin. 
Pourtant, et malgré l’ambivalence sémantique, le progressisme connaît aujourd’hui un nouveau succès et le terme est revendiqué par beaucoup. Cela ne contribue évidemment pas à le clarifier. La moindre prudence est donc de préciser en quel sens on se dit « progressiste » et ce que peut signifier « progressiste » accolé à « protestantisme libéral » ?

Un premier sens, minimal, fera entendre « progressiste » comme « non statique ».
Le protestantisme libéral se veut réflexion jamais achevée, recherche toujours en cours, affirmation d’une foi jamais enfermée dans un dogme mais toujours ouverte à l’examen critique. Ce premier sens du qualificatif « progressiste » n’est, en quelque sorte, qu’une reprise du vieil adage « ecclesia semper reformanda ». La réforme est encore et toujours à faire.

Un second sens, complémentaire au premier, peut aussi être entendu ; « progressiste » sera alors compris comme « attaché à l’action, à la pratique ».
Le progrès auquel aspire le protestant progressiste est, avant tout, d’ordre politique et social. En cela, le progressiste du XXIe siècle est l’héritier de ses ancêtres du XIXe qui voulaient faire bénéficier tous les humains des progrès scientifiques et techniques ; ils étaient universalistes.

Mais bien avant le XIXe siècle, c’est à Jésus de Nazareth qu’il faut faire remonter ce double progressisme.
Qui plus que lui, refusa l’en- fermement dans une religion rigide et réglementée ?
Qui récusa la Loi et ses règles de pureté au nom de l’amour du prochain ? Réformer le judaïsme était bien son projet.
Et qui dîna avec les prostituées, les collecteurs d’impôts et autres personnes jugées infréquentables ?
Qui se moqua des frontières et aima la Syro-Phénicienne comme la Samaritaine ? Promouvoir un humanisme respectueux de tous était bien aussi son projet. Aussi bien c’est un christianisme attentif au message de son christ qui se revendique « progressiste », un christianisme capable de se mettre en question et soucieux de la mise en pratique de sa foi.
Jésus ne demandait pas seulement qu’on écoute ses paroles mais aussi qu’on les mette en pratique (Mt 7, 24).

L’UPLP est donc née, son sigle ne sonne pas seulement bien, il est un programme, celui d’un protestantisme engagé dans le monde qui se veut réflexif, critique et militant. Un protestantisme qui accorde au souci de ceux qui ont faim et soif, qui sont étrangers, nus, malades ou en prison (MT 25, 34 sqq) une même importance qu’à l’approfondissement de l’exégèse et la découverte des nouvelles pistes théologiques.

 

COUP D’ŒIL CHEZ NOS VOISINS

Notre protestantisme libéral n’a pas le monopole du progressisme. Il est notable que des mouvements et tendances se déclarant « progressistes » existent au sein des trois monothéismes qui animent notre monde contemporain et s’y démarquent tantôt de la voie intégriste, tantôt du conservatisme.

Le mouvement pour un islam spirituel et progressiste, Voix d’un islam éclairé (V.I.E.), a vu le jour en 2018. On peut lire sur son site : « Nous ne considérons pas le Coran comme un texte clos ou un code légal figé, il nous incite au contraire à le revivifier par de nouvelles lectures et à poursuivre un progrès au-delà de la lettre vers toujours plus d’égalité, de justice et de paix » (https://www.voix-islam-eclaire.fr/).

Comme en écho, on peut lire sur le site de la communauté juive libérale (CJL) de Paris : « Pour le judaïsme libéral, les êtres humains tout en s’appuyant sur la compréhension des générations précédentes, progressent dans leur compréhension de la parole divine à chaque siècle. C’est pour cette raison que le mouvement libéral mondial s’appelle World Union for Progressive judaism. » (https://www.cjl-paris.org/presentation-du-judaisme-liberal/)

Des deux côtés s’affirme la même volonté d’être en prise avec le pré- sent et d’en adopter les valeurs humanistes. Des deux côtés « progressisme » signifie « en mouvement ». « L’harmonie entre la sagesse du passé et les réalités du temps présent » que recherche le Judaïsme libéral (ibid.) est la visée même de tous les mouvements religieux progressistes.

Cela veut dire que le progrès de ces progressistes vise l’ajustement à une réalité elle-même mouvante, il ne s’agit donc pas d’un terme absolu et, donc, utopique.

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Sylvie Queval
est professeure de philosophie
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