Aujourd’hui encore, certaines personnes pensent et affirment que le cadavre de Jésus a été volé, que tout ça est une supercherie organisée par les disciples.
À l’opposé, des croyants affirment que le corps de Jésus s’est transformé en « corps de gloire » puis qu’il est monté au ciel, que son corps a été métamorphosé.
Je trouve que ces deux conceptions sont grossièrement matérialistes. Je n’ai pas besoin de croire que le tombeau soit matériellement vide ni de croire que le corps de Jésus s’est transformé de façon extraordinaire pour croire à la vie nouvelle que Jésus nous propose aujourd’hui, c’est-à-dire pour croire que Jésus est ressuscité. Pour moi, la résurrection est, avant tout, spirituelle. Non que son corps soit devenu « spirituel » – que veut dire Paul par cet oxymore ? -, mais que la vie qui était liée à la personne du Christ peut continuer pour nous aujourd’hui et nous transformer.
Notez que les Grands-prêtres tombent dans la même erreur que certains croyants en voulant faire croire que le tombeau est vide suite à une tromperie de la part des disciples. Ce qui préoccupe ces religieux, comme d’autres aujourd’hui, c’est seulement le visible, le miraculeux, ce que l’on peut constater, ou même voir comme dans les apparitions de la vierge Marie à Lourdes ou à Fatima. Ceci est de l’ordre de la religiosité naturelle et spontanée et non de la vraie foi, du spirituel. La foi, c’est ce qui peut vraiment changer la vie. Jésus ne demande-t-il pas à Marie Madeleine de ne pas le toucher, de ne pas le retenir ? Ce n’est qu’après ce renoncement, ce consentement à l’absence du corps de Jésus qu’elle peut dire aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. » (Jn 20, 11-18) Le deuil du corps laisse toute la place à la Parole et à son annonce.
La puissance de résurrection de Jésus n’est pas liée au vide du tombeau, ni d’ailleurs aux apparitions, car il est toujours possible d’affirmer que ceux qui ont eu ces visions de Jésus ont été victimes de leur subjectivité hallucinée, ce qu’on ne se prive pas de faire d’ailleurs. Notre foi reposerait alors sur du sable. Le tombeau vide, les apparitions sont des images, des symboles, des interpellations pour susciter en nous la foi. Il ne faut pas les prendre au premier degré, il ne faut pas les réifier. La puissance de résurrection est liée à la force de l’Esprit de Jésus qui est en nous, c’est un pur don de Dieu ; aucun argument ni contre-argument ne peut nous contraindre d’y croire ou de ne pas y croire.
Jésus ressuscité, c’est celui qui est vraiment vivant dans notre vie, notre conscience et notre pratique. C’est lui qui nous réveille de notre hébétude et de notre léthargie pour nous donner son Esprit et que nous nous mettions à sa suite. Le Ressuscité, c’est celui qui sur la croix a vaincu la mort en nous montrant justement qu’il y a des choses dans la vie qui valent la peine de risquer et même parfois de se sacrifier pour elles : contribuer à bâtir un monde plus juste, plus fraternel, plus humain, un monde ou règne l’amour au lieu de la violence et la haine, un monde où les exclus et les pauvres sont réintégrés, un monde de compassion et de tendresse. Oui, cela en vaut la peine, je n’ai pas besoin d’un prodige pour le croire quand j’ai rencontré le Dieu de Jésus ou devrais-je dire, quand le Dieu de Jésus m’est apparu.
Alors, si nous faisons ces choix-là, nous pourrons vraiment espérer être accueillis dans la mémoire vivante de Dieu à notre mort. Puisque Dieu est celui-là même qui veut cette vie transfigurée dès aujourd’hui, il la veut pour l’éternité. Jésus dit à Marthe : « Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » (Jn 11, 25-26)