Sans doute jamais depuis les attentats de Paris en novembre 2015 une terrasse de bistrot n’avait autant été photographiée et publiée sur les réseaux sociaux, ni n’avait revêtu une telle symbolique. Ministres, artistes, pasteurs et paroissiens, simples citoyens, tous, en nombre ont publié la photo d’une tasse de café ou d’un lait fraise, pour exprimer la joie de pouvoir à nouveau vivre ce petit geste anodin de la vie ordinaire de tant de personnes. La liberté retrouvée après des mois de confinement et de mesures socialement restrictives. Bien sûr qu’il fallait se protéger et, face à la menace, la précaution devait temporairement primer sur certaines libertés. Mais au fil de ces semaines et de ces mois sans véritable contact, sans poignée de main, sans bise, sans prof devant les élèves, où nos salons et chambres sont devenus des télé-bureaux, ce qui passait inaperçu car anodin est devenu symbole de liberté.
Au moment où il est plus que nécessaire de lutter pour que, de manière générale, la sécurité ne devienne pas la mesure de la liberté ; quand « sécurité globale » ou révision de la loi sur la séparation des Églises et de l’État ont profité de l’étourdissement provoqué par la pandémie, nous devons nous rappeler ces joies simples de ces petits bouts de liberté retrouvés. C’est dans ce « sublime ordinaire », celui d’un café à la table d’un bistrot, d’un repas entre amis à la nuit tombée ou d’un long trajet en voiture que se trouve cette force du sentiment de liberté qui doit inspirer notre action, qui doit être notre idéal. C’est donc un combat de chaque jour, saisir l’instant offert comme prémices de la liberté fondamentale, discerner les signes dans ce qui semble insignifiant, retrouver dans l’ordinaire du quotidien l’extraordinaire de la vie. Ce sublime ordinaire d’une tasse de café sur la terrasse d’un bistrot peut être un vaccin pour lutter contre toutes les tentatives liberticides qui pointent comme une pandémie morale.