Alain Houziaux, théologien protestant féru de psychanalyse et de philosophie, nous propose une nouvelle lecture du livre de Job en faisant dialoguer toutes les disciplines qui lui sont chères. Même si certains chapitres sont sinueux et difficiles à suivre, et loin de clore le débat sur l’origine du mal qui nous entoure, cette lecture personnelle du livre de Job ouvre de nouvelles pistes de lecture pour un livre qui ne cessera jamais de faire parler de lui.
Son livre ne pouvait pas mieux tomber, paru quelques semaines avant l’arrivée du COVID-19 et l’entrée dans une crise sanitaire mondiale. Dès son introduction il prévient ses lecteurs : il s’agit d’une lecture personnelle du livre de Job, même s’il ne prend pas parti dans le débat sur la nature de Dieu. Sa lecture est découpée en six chapitres :
Le prologue du livre de Job présente, selon Alain Houziaux, non pas le problème de l’existence du mal si Dieu est tout-puissant mais plutôt le fait que « le Dieu auquel Job croit, n’est pas le vrai Dieu » et qu’il n’a donc « rien à voir avec le Dieu de la Bible et de l’Évangile ». Dans le second chapitre Alain Houziaux allonge Job sur le divan pour y faire apparaître trois figures de Job. Il parcourt ainsi le livre de Job à la lumière de la psychanalyse. En le faisant parler de « sa disgrâce auprès de son entourage », Job, celui qui est « ravagé par l’angoisse devant ce qui survient dans sa vie », devient un anarchiste protestataire ainsi qu’un narcissique blessé qui voit dans sa souffrance une manière d’exister et de se faire valoir.
En s’opposant aux lectures du mal de Kant, Hegel, Teilhard de Chardin ou Elie Wiesel, Alain Houziaux présente dans le troisième chapitre la thèse centrale du livre de Job : « le problème de l’absurde, c’est-à-dire du mal en tant qu’il est une des formes de l’absurde, de l’incompréhensible, de l’injustifiable ». Ou dit autrement, « le mal est créé par une Puissance extérieure qui perturbe l’auto-organisation du monde et l’ordre des choses ».
Le quatrième chapitre tente de montrer comment Job, poussé par son angoisse, est amené à reconnaître Dieu comme l’auteur du mal. C’est par un « saut de la foi » qui consiste à changer sa vision de Dieu et voir Dieu comme l’explication du mal qui nous arrive que Job identifie « Dieu comme l’Auteur de ce qui pour lui est un paradoxe », le paradoxe étant d’être juste et souffrant.
Le cinquième chapitre s’attarde sur la réponse de Dieu à Job des chapitres 38 à 40. Alain Houziaux met en évidence deux images de Dieu dans ce discours. D’abord celle d’un Dieu Sagesse, puis celle d’un Dieu « cosmique, atmosphérique, guerrier et chaotique » proche du dieu Seth égyptien. Ces deux approches du Dieu du discours lui permettent de définir Dieu comme Celui « qui se manifeste dans l’univers sous la forme d’une Nécessité » telle qu’elle a pu être décrite dans la philosophie grecque.
Le dernier chapitre est consacré à la réponse de Job qui est une délivrance puisqu’il « accepte que Dieu soit tout autre que ce qu’il croyait à son sujet ». Il s’agit autant d’un renoncement à croire à un Dieu « qui n’était rien d’autre qu’une construction d’idées et d’idéaux », que d’une conversion de Job qui consiste à cesser de se regarder souffrir. Enfin, l’acquiescement de Job consiste à croire en, et servir un Dieu désigné par « Pour rien » qui permet à Job de découvrir et contempler que l’absurdité du monde est sublime, comme un jardin d’Éden.
Alain Houziaux, Job, ou le problème du mal. Un éloge de l’absurde, Paris, Cerf, 2020