Plateforme du protestantisme de liberté et de progrès
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Bernard Reymond

Coup sur coup, deux livres en relation avec Ulrich Zwingli (1484-1531) : la traduction de ses Thèses réformatrices de 1531 et leurs commentaires, puis un petit Cher Zwingli… Dialogue à une voix avec un grand réformateur (tous deux chez Labor et Fides). Quel intérêt un protestant de tendance libérale peut-il bien prendre à ce réformateur-là ?

Il y a d’abord une raison historique et toute contingente : je suis né dans le canton de Vaud et y ai passé la majeure partie de mon existence, en particulier dans ses institutions protestantes. Je ne peux donc pas oublier que la Réforme y a été introduite, non point dans sa version calviniste comme à Genève, mais par Berne dans sa version zwinglienne. Jusque dans les années 1960, cela se traduisait par le fait que l’Église réformée n’y était pas à proprement parler une Église d’État, comme on le lui a trop souvent reproché, mais une Église administrée matériellement par l’État, tandis qu’à Genève elle l’était par exemple par le Consistoire. Et puis surtout, à mon goût, l’Église vaudoise se distinguait par sa souplesse doctrinale et j’y voyais une conséquence lointaine de l’influence zwinglienne.

Plus anecdotique, ma deuxième raison tenait à ce que je savais du protestantisme en Suisse alémanique : une bonne partie des pasteurs ou théologiens zurichois, mais aussi des laïcs, y sont toujours affiliés au Zwingli Verein, une association qui veille à favoriser la recherche historique sur le réformateur. Or la plupart des théologiens libéraux que je connaissais étaient et sont toujours membres de cette association.

Zwingli serait-il alors le plus libéral des réformateurs ? Ce serait lui demander d’être avant l’heure ce que ne pouvait justement pas encore être un théologien du XVIe siècle. Si ce devait être le cas, un Sébastien Castellion l’eût été plus nettement que lui, mais là encore ce serait lui attribuer des idées qu’il ne pouvait pas avoir : c’est nous qui, rétrospectivement, jugeons légitime de voir en lui, en eux, des précurseurs ou des préparateurs de ce qui pourrait devenir le protestantisme dans sa version libérale.

C’est dans cet état d’esprit que je me suis mis à traduire le grand texte de 1523, ne serait-ce que pour me confronter à ce que Zwingli avait écrit de sa propre main. Et je n’ai pas été déçu. Non que le réformateur ait déjà dit ce que des théologiens comme Friedrich Schleiermacher (1868-1834) ou Ernst Troeltsch (1865-1923) diraient plus tard. Mais j’ai trouvé dans l’ensemble de sa démarche une liberté et une ouverture d’esprit fort prometteuses pour l’avenir. Zwingli est mort sur le champ de bataille dans la force de l’âge, sans avoir pu se prononcer déjà sur ce qu’allait écrire son successeur Heinrich Bullinger (1504-1575), nettement plus attentif que lui à mettre de l’ordre dans la pensée et les usages réformés – Bullinger dont l’influence sur l’ensemble des réformés a été pour le moins aussi importante que celle de Calvin.

Alors que faire ? Trop tirer Zwingli de mon côté au risque de le trahir ? Le rejeter du côté d’une interprétation plus orthodoxe de sa pensée ? Je me suis dit qu’il ne me restait qu’à essayer d’engager avec lui un dialogue, mais à une seule voix puisqu’il ne pourrait pas me répondre. Ce n’est plus de l’histoire, ce n’en est pas non plus la négation. C’est une réflexion en marge de l’histoire qui s’est imposée à moi parce que, tout simplement, Zwingli ne me laisse décidément pas indifférent !

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Bernard Reymond
né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.
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